Yoan De Macedo [ Web & Ecologie ]

IA et impact écologique

(Tous les chiffres utilisés dans ce billet sont des estimations que j'ai pu trouver en ligne. Ils ne doivent pas être considérés comme juste. Il n'est pas possible aujourd'hui d'obtenir des éléments précis. Le but ici est de lancer une réflexion.)

Pour poursuivre mon précédent billet sur le sujet, j'aimerais en savoir plus sur l'impact écologique des IA (ou plutôt de l'ensemble de la chaîne pour qu'elles fonctionnent). Avec l'arrivée de ChatGPT, le grand public découvre l'intelligence artificielle de manière plus concrète.

Ma sensibilité écologique m'oblige à m'interroger sur l'impact de ces technologies. Dans un monde aux ressources limitées, face à l'urgence écologique, nous devons nous poser ces questions. Il me paraît inconcevable d'éluder cette problématique qui est capitale.

Je ne cherche pas à dénigrer l'utilisation des IA car elles peuvent nous apporter de nombreux services utiles. Pourquoi s'en priver ? Mais, il est important de connaître leur impact (comme on devrait le faire pour l'ensemble des outils qu'on utilise et pas seulement le numérique) pour se rendre compte de leur viabilité dans un monde qui doit changer. Parfois, il faudra peut-être abandonner et parfois, au contraire, développer son utilisation.

C'est une tâche très complexe car il est très difficile de trouver des chiffres concerts et précis.

Dans cet exercice, je m'intéresse à l'IA comme une aide au travail humain (voir au remplacement du travail humain). Ce n'est pas une mauvaise chose pour l'humain si son travail est rendu moins difficile ou même s'il est automatisé dans certains cas. Ce serait même intéressant pour l'environnement et la société si ce temps "gagné" pouvait servir à cuisiner, jardiner, s'occuper des autres.
Ceci implique de conserver son revenu par un partage équitable des ressources financières (c'est une autre histoire). Ça implique aussi de réfléchir autrement qu'en "temps de travail" (et plutôt en terme d'objectifs et sans gonfler artificiellement les objectifs). En effet, si le salarié doit continuer à travailler pendant le même volume horaire alors l'IA ne servirait qu'à accoitre la production via l'augmentation de la productivité. Ça, en revanche, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée pour l'environnement. Je vous invite d'ailleurs à lire "Ralentir ou périr" de Timothée Parrique qui expose cette vision très clairement.

En partant de là, je trouve intéressant de comparer l'IA au travail humain. La suite n'est pas très poétique mais je me suis alors interrogé : quelle est la consommation énergétique de la machine humaine ? Bien entendu, c'est juste un "exercice". Je n'aime pas cette comparaison. Un humain ne sera jamais une machine.
Suivant le travail de Jean-Marc Jancovici, excellent vulgarisateur du sujet, j'ai ressorti un de ses articles.
On peut y lire (par une conversion calories vers kWh), qu'un humain au repos consommerait 2,3 kWh par jour. Un humain au travail très physique consommerait 5 kWh pour 10h de travail. D'après ce que j'ai pu lire par ailleurs, le nombre de calories dépensées pour un travail de bureau semble équivalent aux calories dépensées au repos. C'est donc surtout le travail physique qui consomme de l'énergie (notre cerveau tourne quoi qu'on fasse).
Pour un travail du bureau, il faut bien sûr compter l'énergie du matériel utilisé, le chauffage du bâtiment etc ...

Pour tourner, une IA a besoin de matériel informatique. Ce matériel a émis du CO2 pour être fabriqué, beaucoup d'énergie a été utilisée pour la conception. L'extraction des minerais génère aussi beaucoup de pollution (cycle de l'eau etc). Ensuite, l'IA consomme aussi de l'énergie lors de son utilisation.
De l'autre côté, un humain doit manger et en fonction de son alimentation son impact est plus ou moins important. Toutefois, par sa simple existence, il doit de toutes façons se nourrir (qu'il travaille ou pas) et consommera les calories de base nécessaire. On peut choisir de créer (ou pas) une machine pour qu'elle puisse travailler. Ce n'est pas tout à fait la même chose pour l'être humain (heureusement). Son alimentation est en revanche une des clés pour réduire son impact écologique (c'est un autre sujet).

Après pas mal de lectures, j'ai pu trouvé quelques infos sur ChatGPT (dont on parle beaucoup en ce moment). Je vais le prendre en exemple. En revanche, impossible de savoir si les informations sont justes. Je prends donc des pincettes. Je veux surtout ouvrir un débat sur le sujet pour qu'on ne s'intéresse pas à la technologie simplement pour le bénéfice qu'elle apporte. On doit aussi s'intéresser à son impact pour décider (si possible sans à priori) si le bénéfice est plus important.
J'espère recevoir des compléments d'information que je partagerai avec plaisir.

Voici ce que j'ai pu lire ici. "Une machine capable de faire fonctionner ce modèle une fois l’apprentissage terminé coûte 200 000 dollars, et la production de 20 pages de texte consomme autant d’énergie que faire bouillir 1 litre d’eau."

Et ici. "D’après une équipe de l'université de Copenhague (Danemark), qui a développé l’outil "Carbontracker", une seule session d'entraînement de GPT-3 consomme autant d'énergie que 126 foyers danois en un an et émet la même quantité de CO2 qu'un véhicule à essence roulant 700 000 kilomètres."

On peut distinguer deux phases importantes pour une IA : la phase d'apprentissage puis son usage.
Certaines IA, une fois entraînées, peuvent être utilisées sans être entraînées à nouveau. Imaginons une IA qui sait reconnaître des chats sur une image. Une fois qu'elle aura été entraînée pour reconnaître l'animal, elle saura le faire sans avoir besoin d'apprendre à nouveau.
Un outil comme ChatGPT, capable de réagir sur l'actualité, sur des langages de programmation, devra être mis à jour régulièrement pour connaître les dernières nouveautés. L'apprentissage sera donc continu (il pourra être réalisé plusieurs fois par an par exemple).

Si je me fie à cette page, la consommation électrique de 126 foyers danois représenterait 126 * 6500,9 = 819113,4 kWh (6.500,9 kwh / hab sur l'année 2021) pour une session d'apprentissage de l'IA dont nous parlons. En reprenant les chiffres plus haut, c'est ce que "dépensent" sur une journée 356136 humains "sédentaires" (qui peuvent donc travailler dans un bureau) pour leur journée complète (pas simplement leur présence au travail). Ce n'est pas rien. Ce n'est pas non plus surprenant car les tâches à effectuer pour cet apprentissage sont complexes et la quantité de données à étudier phénoménale.
On ne nous dit pas ici quel matériel est nécessaire pour la phase d'apprentissage. On peut supposer que ce matériel peut ensuite être utilisé pour d'autres tâches. Si l'apprentissage a lieu tous les jours de l'année, alors là, il serait dédié à l'IA et donc son impact encore plus grand bien sûr.
Toutefois, si ces ressources sont disponibles, que l'impact est très inférieur aux services que l'outil va rendre derrière, ce n'est pas un problème. C'est une raison supplémentaire d'étudier précisément les différents impacts.
Si l'IA n'a pas besoin de réagir sur des "actualités", on pourrait aussi décider d'arrêter l'apprentissage à un moment donnée en le considérant comme suffisant.

S'il faut 200 000 dollars de matériel pour la phase d'utilisation, là encore, on peut imaginer derrière que les ressources nécessaires pour le fabriquer sont loin d'être négligeables.
Il est vraiment difficile d'estimer le "poids" du matériel. C'est bien dommage car ce serait indispensable pour avoir une vision générale.

Quelle est l'énergie nécessaire pour faire bouillir 1 litre d'eau ? C'est compliqué car on ne connait pas la température de l'eau au départ ni si on la fait chauffer sur une plaque de cuisson ou dans une bouilloire. Imaginons qu'elle soit à 20°. D'après cette page, on aurait besoin de 0,183 kWh.
20 pages de texte ? Quelle est la taille de la page ? Prenons une page A4. Elle pourrait contenir 500 mots.
Si on ne veut qu'une page de texte, est-ce 20 fois moins gourmand ? A-t-on une consommation minimale nécessaire pour une requête quelque soit la demande (probablement mais on ne la connait pas) ? Il nous manque beaucoup de précisions.
Il faut environ 2h à un humain "sédentaire" pour dépenser cette énergie là (si on reprend les chiffres définis plus haut). Je ne sais pas vous, mais sortir 20 pages de texte demandant de la réflexion en 2h, c'est costaud. Si l'IA est capable de me sortir un bloc de code de "500 mots" pour l'équivalent de 6 minutes de ma consommation d'énergie quotidienne, ça ne semble pas énorme finalement. En revanche, si la consommation "minimale" pour une requête est conséquente et que sortir 1 page est très proche de l'énergie nécessaire pour sortir 20 pages alors c'est beaucoup moins intéressant. ça dépend aussi de la complexité de réflexion nécessaire pour être capable de générer cette page pour un humain. J'aimerais avoir toutes ces informations car en fonction des résultats, on pourrait savoir précisément quand il est plus intéressant d'utiliser l'IA et quand il vaut mieux réaliser le travail soi-même.
En effet, "gagner" du temps, c'est une chose mais on doit le faire dans le respect des ressources planétaires sinon c'est contre-productif.

On peut se douter que les performances seront améliorées au fil du temps, que moins d'énergie sera nécessaire pour faire tourner une telle IA. Attention cependant à l'effet rebond, bien connu et documenté. Si on a moins besoin de ressources mais que les usages se démultiplient, au final, l'amélioration est souvent "perdue".

Bref, on voit très bien que le sujet est très complexe et on comprend vite pourquoi il est si difficile de déterminer l'impact écologique d'un tel outil informatique. C'est pourtant très important pour faire les bons choix pour l'avenir. On aurait besoin de chiffres précis, documentés. Ça ne vaut pas que pour le numérique d'ailleurs mais pour l'ensemble de nos activités.

J'ai envie de sortir un peu du cadre de ce billet pour voir un peu plus loin. Je vais prendre le métier de développeur car c'est celui que je connais le mieux. Imaginons que grâce à une IA, un développeur puisse réaliser son travail habituel en deux fois moins de temps.
Soit il pourra réaliser deux fois plus de travail qu'auparavant, soit il pourra travailler deux fois moins.

Je pense sincèrement que si l'IA est soutenable sur le long terme et utilisable quotidiennement alors il faudra faire les bons choix. Si le but est de produire encore plus (on en connait les effets délétères), je pense que nous ferons une grosse erreur. Si en revanche, le développeur dont je parle peut couper son ordinateur en milieu de journée, son écran, etc (et donc économiser de l'énergie, faire durer sa machine plus longtemps) pour pouvoir se consacrer à des activités utiles, si possible "bas carbone" ou même décarbonées tout en conservant son revenu (ou tout du moins son pouvoir d'achat) alors j'entrevois quelque chose de positif.

Mais ... Serons-nous capables de faire les bons choix ?

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